korroke de crabe - 蟹クリームコロッケ
Prenons un magazine culinaire japonais en mal d'audience. On réunit l'équipe rédactionnelle pour une séance de brainstorming. Il y a quelques déclarations sentencieuses. Les idées n'émergent que lentement. Poids de la hiérarchie... Les hommes secouent la tête, la posent sur leur poing et émettent des grognements sourds. Si vous avez vu un film japonais, vous savez de quoi je parle. Après quelques minutes embarrassantes, une petite nouvelle lance de sa voix la plus ingénue « Et pourquoi pas un sujet korroke? ». Aussitôt, tout le monde de se rallier à cette proposition lumineuse et chacun se met en quête de LA nouvelle recette. Oui, au Japon, le korroke est la tarte à la crème de tous ceux qui se piquent de cuisine!
Avant de m'étendre à mon tour sur ce sujet (quelle expression équivoque « s'étendre sur un sujet »!), j'aimerais vous expliquer pourquoi je parle de korroke, alors que vous, lecteurs impatients et zappeurs de blogs, vous vous êtes précipités vers la photo, et vous avez cru reconnaître une banale croquette. Les raisons de mon obstination linguistique sont multiples :
-
Certes, le mot est d'origine française. Nul doute là-dessus. On le trouve déjà dans le grand dictionnaire de Dumas. Mais ne trouvez-vous pas qu'il est tombé bien bas? Tapez croquette, sur Internet et vous verrez Google dégurgiter 4 pages des spécialités ragoûtantes pour chiens et chats. La première recette française se trouve en bas de la page 5 ! Alors qu'avec korroke, vous obtenez tout de suite la bonne réponse et même un article très documenté de Wikipédia.
-
Korroke est japonais mais fidèle à ses origines françaises. Nous l'avons seulement un peu déformé. Vous n'imaginez pas comme les mots français sont compliqués à prononcer, pour nous qui confondons le R et le L, le B et le V et en plus toutes ces consonnes agglutinées au lieu de syllabes bien simples. Il est bien plus rapide d'avaler un korroke que d'énoncer correctement « croquette ».
-
Au Japon, korroke évoque la chaleur des beignets, des saveurs douces et rondes, une consistance fondante enrobée de panure légèrement croustillante... On consomme des korroke debout dans la rue, accoudé dans un troquet, assis devant une belle nappe dans un grand restaurant ou à la maison.
Tout le monde connaît la recette aux pommes de terre. Bien préparé, le résultat est délicieux. En voici cependant une autre. Je la tiens de ma mère.
Au temps dont je vous parle, l'eau de la baie de Tokyo était encore claire et pure et on y pêchait de s crabes à la chair succulente...
Korroke de crabes
Ingrédients (pour 16 croquettes)
sauce béchamel
Beurre (60g)
farine(75g)
lait (600cc)
Chair de crabes (pinces cuites et décortiquées – 250 à 300g) ou boîte de qualité supérieure.
Huile d'olive, un peu de beurre
1 oignon, 1 gousse d'ail
Sel, poivre, muscade
Pour enrober :
farine
oeuf (dilué avec 1 c à s de lait)
chapelure
Huile de friture
Préparation
Préparer une sauce béchamel assez solide et parfumez-la à la noix muscade
Sautez l'oignon émincé avec le mélange d'huile d'olive et de beurre (ou seulement du beurre)
Ajoutez le crabe
Assaisonnez avec sel et poivre
Mélangez avec la sauce béchamel et étaler sur dans un grand plat rectangulaire pour refroidir.
Diviser en 16 parts
Rouler dans la farine (ha ha), dans l'oeuf et la chapelure.
Frire doucement dans une huile pas trop chaude (170°). Une huile trop chaude ferait exploser vos korroke.
Servir avec une sauce tartare. Pour celles et ceux qui auraient oublié la recette de la sauce tartare, la voici, telle que je la préfère :
Préparer une sauce mousseline (plus légère que la mayonnaise)
1 oeuf entier
1 c à s de moutarde forte
1 gousse d'ail
1 verre d'huile (¾ de tournesol, ¼ d'huile d'olive)
sel (doser légèrement, la moutarde en contient déjà)
poivre
Mélanger tout au mixer quelques secondes
Incorporer dans cette légère mousseline un peu de câpres, de ciboulette et de cornichons.
Sentez-vous le fumet de ces délicieux korroke que je viens de servir, entendez-vous leurs petits craquements de plaisir ? Si oui, il est urgent de leur trouver un nouveau nom en français.
Vous pourriez nous emprunter korroke, tout comme la génération des années 60 est allée chercher FLIRT en Angleterre, alors que flirt était à l'origine fleureter, rapporté au Moyen-Age et déformé par les soudards de je ne sais quel souverain d'Outre-Manche.
Ou bien, vous inventez un nouveau mot que nous vous emprunterons à notre tour et ainsi de suite...