Cuisine et politique - 恵美

Je mangeais des pleskavica dans un boui-boui de Skopje quand j'ai été prise à témoin par les hommes de la table voisine. Ils voulaient savoir si la Macédoine avaient des chances d'intégrer la Communauté européenne.
Très vite, ils ont vu que je n'y entendais rien. L'un d'eux a proposé de m'expliquer les subtilités de son pays tout en me conduisant jusqu'à la frontière bulgare. Kole, c'est son nom, est livreur de pièces de rechanges. Je crois bien que nous nous sommes arrêtés dans tous les garages de Macédoine.
Lui-même est originaire d'une des plus petites parmi les 27 composantes de la population macédonienne. Il serait l'un des derniers à parler le mégléno-romanien, une langue beaucoup plus ancienne que le français. Dans sa camionette, il n'a pas arrêté de discourir, mêlant des mots incompréhensibles à de l'allemand, de l'italien et un peu de français.
« Notre nation a connu des hauts et des bas. Notre Alexandre n'a-t-il pas bâti l'un des plus grands empires de l'antiquité? Plus tard, nos moines Cyrille et Méthode n'ont-ils pas inventé l'un des grands alphabets du monde?. »
On zigzaguait dans les montagnes parmi les congères et les troupeaux de moutons et il continuait ainsi:
« Pour réunir les peuples, les politiciens ont le choix entre le centralisme et le fédéralime, tout comme les cuisiniers peuvent mixer les ingrédients d'un potage ou bien garder chaque composante intacte, avec son goût propre. »
Kole n'est pas un optimiste. Pour lui, l'Europe connaîtra le même sort que la Yougoslavie. « Lorsque les fondateurs auront tous disparus, que leurs craintes et leurs les idéaux auront été oubliés, elle s'effritera, sous les coups de vos De Villiers, Umberto Bossi et autres roitelets de province et de partis. Il ne vous restera que des miettes »
« Il en est des empires comme des gâteaux » m'a expliqué Kole, « on n'épargne ni l'argent ni les efforts pour les faire, tout ça pour qu'ils soient découpés et dévorés peu après. Et si l'on parvient à les mettre à l'abri de la voracité pendant quelques temps, ils s'affaissent et se désagrègent, victimes de corruption interne »
Il m'a déposée à la frontière. J'ai continué à pied. En Bulgarie, je suis entrée dans une auberge aux couleurs pimpantes et j'y ai mangé 3 parts de ce succulent Studel.
C'était tellement bon que spontanément, j'ai trouvé les mots bulgares pour le dire : « Subutnyat shtrudel beshe mnogo vkussen », ce qui s'écrit « Съботният щрудел беше много вкусен» en cyrillique et signifie comme vous l'aviez déjà compris « Ce samedi, j'ai mangé un strudel fameux»