Chevaux au galop - 恵美

Publié le par Fleur de sel

Francesco m'a appris le mot « thalat » avant de me dire au-revoir. Cela signifie « marché ». Ainsi, je sais toujours où aller quand j'arrive dans un village ou une ville. N'est-ce pas là qu'il y a le plus d'animation, de restaurants, de gens? N'est-ce pas vers ce point que tout converge?


En Thaïlande, c'est encore plus vrai qu'ailleurs. On y trouve tout : des légumes et des fruits merveilleux, des bassines remplies de poissons, d'écrevisses, d'anguilles, des étals couverts de poudres mystérieuses et odorantes, des fioles pleines de liquides colorés.


Sous de grandes halles, il y a des tables par dizaines, et tout autour des éventaires spécialisés : l'un prépare uniquement le riz sauté, mais alors il est vraiment bon, l'autre découpe à longueur de journée des ananas. Un Chinois tout rond fait bouillir des quartiers de porc dans une bassine fumante. Une jeune femme étale des crêpes et encore des crêpes et encore des crêpes...


 
 
 
 
Maa ho - Chevaux au galop.
Un peu de porc sauté contrastant avec des fruits, ananas, lychees, longams...
Pour sauter le porc > ail, coriandre (graines, feuilles), arachides grillées et pilées, poivre, nahm pla, piment.

Je me suis assise près d'un garçon tout blond. Il  semblait très à l'aise pour commander et il m'a montré comment procéder. C'est comme dans un libre-service, on prend ce que l'on veut, là où on veut. Mais au lieu d'aller chercher les plats on se contente d'un clin d'oeil. Aussitôt une femme, un homme, un enfant se présente devant vous et s'enquiert de vos souhaits.


Nous avons eu une grande discussion, le jeune homme blond et moi. Quand il a compris que j'écrivais un blog en français, il a eu une moue dubitative. Il m'a parlé de ces jeunes Français installés dans les grandes villes, envoyés pour des projets de coopération. Nigel m'en a dit beaucoup de mal. Leur plats favoris en Thaïlande? Le big-mac et cheese-burger. Incultes mais imbus de leur supériorité. Alors Nigel et ses amis connaissaient tout de la cuisine thaïe. L'un de ses amis, Richard, aurait créé un site qui décrirait chaque plat thaï avec précision, photos et vidéos à l'appui.


J'ai dit que nous aussi, nous avions des gens curieux et cultivés. Je lui ai donné l'adresse de Cléa et du Petit blog de riz, je lui ai dit qu'une certaine Thaliemiel réussissait ses plats japonais aussi bien que mon auteure, japonaise d'origine, qu'AnneE était capable d'imiter et peut-être de surpasser la plupart des plats qu'elle apercevait. Sans parler d'Elvira et de son encyclopédie de cuisine, précise, rigoureuse. Rien n'y a fait. Pour Nigel les Français ont un énorme problème culinaire. Ils sont tellement convaincus d'être les meilleurs que les goûts étrangers ne parviennent pas à leur cerveau et qu'ils sont donc incapables de les analyser. J'ai été tentée de lui répondre que les Britanniques avaient le problème inverse, qu'ils étaient si dépourvus de traditions et de points de comparaison qu'ils tombaient amoureux de la première cuisine venue en sortant de leur île.


Mais outre que j'aime un vrai fish and ships, ou un vrai gigot d'agneau avec ses petits pois, sa gravy onctueuse et ses pommes de terre toutes simples, je n'avais aucune envie de blesser ce gentil Nigel qui venait de commander tous ces bons plats que nous mangions en nous disputant.


Comme on fait avec les enfants, j'ai attiré son attention sur un autre sujet. Je lui ai dit que j'étais née sous le toit de Balthazar, l'un des rares Français à considérer Napoléon non pas comme un grand homme mais comme une malédiction inévitable. Je lui ai répété les paroles entendues si souvent à la maison : «  Napoléon a versé à flots le sang français et indigène, des Sables d'Olonne à Smolensk, de Madrid à la Mer Rouge. Pendant ce temps les Anglais se rendaient maîtres des flots, du Saint-Laurent à la Mer de Tasman! » Je lui ai raconté comment Balthazar soupire en regardant la mer : « Ah si Napoléon avait été un amiral plutôt qu'un général! Ah s'il n'avait pas perdu toute notre flotte à Aboukir! ». Nigel commençait à m'écouter avec attention. Quand je lui ai décrit comment de notre salon on voyait l'île où l'Empereur avait passé ses trois dernières nuits avant de se rendre au capitaine du Belléphoron, il a retrouvé sa bonne humeur.


Quel poids d'histoire les hommes transportent avec eux! En retrouvant son sourire, Nigel m'a dit : « Je te montrerai ce qu'il y a de plus beau ici et tu goûteras tout ce qu'il y a de meilleur dans ce pays». Il est gentil, Nigel.



Publié dans Le tour du monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
K
Je voulais dire par rapport à ce que pensait Nigel  sur les blogs, bien sûr !!!!!
Répondre
E
C'est ce que j'avais compris, bien sûr.
M
J'ai longtemps cherché le rapport avec le titre "les chevaux au galop" avant de lire l'encart.
Répondre
E
Merci d'avoir pris le temps de chercher. Comme on lit les blogs de plus en plus vite, je me suis décidée à corser la lecture du mien en cachant des petites choses à droite et à gauche, comme on fait à Pâques avec les oeufs pour les enfants, dans le jardin. Oui, il faut parfois soulever un mot ou une idée pour trouver autre chose.
M
j'ai bien aimé aussi visiter la cuisine Thaï de Richard...quel beau périple et quelles belles discussions il suscite
Répondre
B
j'attends de voir ..enfin de goûter  à ce que Nigel appelle "ce qu'il y a de meilleur" ...je reviens demain !!!!!!!
Répondre
E
Il en va des opinions comme des goûts et des couleurs... Chacun voit le meilleur à sa porte.
E
Il a un peu raison, tu sais... Quand on est de culture française, on a parfois tendance à être - injustement? - critique vis-à-vis de tout ce que l'on mange ailleurs. Mais je me suis soignée en voyageant beaucoup! ;-)
Répondre
E
Oui, mais les critiques viennent en général de ceux qui ne connaissent que leur steack frites et leur oeuf mayo ou les deux variantes locales s'ils viennent d'un autre pays